Industrie nourricière

En France, l’industrie nourricière est très ancienne, dès le 12e siècle existait à Paris, des bureaux qui plaçaient à la fois servantes et nourrices. Il s’agissait d’établissements payants où les filles qui cherchaient à se placer, trouvaient le gîte et le couvert. Ils étaient dirigés par des femmes appelées
« recommanderesses ». Au 17e siècle, ils ne conservent que le monopole de loger et de placer les nourrices.

Les « meneurs » étaient chargés de véhiculer ces dames entassées dans des chariots où la mortalité infantile était importante tant les conditions de voyage étaient difficiles.

Qualité d’une nourrice. Les origines les plus recommandées : Haute Bourgogne, Nord Pas de Calais, Bretagne (Côte d’Armor, Morbihan). Elle doit avoir entre 20 et 30 ans, être en bonne santé, brune plutôt que blonde mais surtout pas rousse. La fille mère est préférée à la femme mariée car elle s’attache à la famille qui l’accueille. La nourrice doit être propre, intelligente, d’un caractère doux et agréable. En plus de l’examen gynécologique auquel de nombreuses femmes refusaient de se soumettre, un contrôle obligatoire de la quantité et de la qualité du lait était exigé. Avant d’être admises au bureau des recommanderesses, les nourrices devaient se soumettre à un examen médical à l’issu duquel un certificat de bonne santé leur était délivré.

Le 29 janvier 1715, devant l’énorme taux de mortalité des enfants envoyés en nourrice à la campagne, une réglementation complète fut imposée au bureau et aux nourrices, dont voici un extrait :
Article 11. Interdiction d’avoir deux nourrissons en même temps sous peine de retrait pour elle et d’une amende de 50 livres pour son mari.
Article 12. Les nourrices étaient tenues d’avertir les parents de leur nourrisson d’une éventuelle grossesse.
Article 13. Interdiction de ramener ou de renvoyer leurs nourrissons même en cas de non paiement des parents, sans avoir reçu un ordre de ceux-ci ou sans avoir obtenu la permission du Lieutenant Général de Police.
Article 14. Contrainte par corps pour les parents qui ne paieraient pas les nourrices.

Le 1er mars 1727, une nouvelle ordonnance interdisait aux nourrices de remettre à d’autres, les enfants pris en charge. Le 24 juillet 1769, à Paris, les petits bureaux tenus par les recommanderesses sont supprimés et remplacés par un seul bureau de placement. En 1821, l’ensemble de la profession de meneur est supprimé.

La nourrice était obligée de se munir d’un contrat délivré par la Préfecture au vue d’un certificat obtenu auprès du maire de la commune qui attestait de ses bonnes vie et moeurs et d’un certificat médical obtenu auprès d’un médecin inspecteur. Ces deux certificats étaient inscrits sur le carnet qui contenait,
en outre, l’acte de naissance du nourrisson, le texte des articles du Code Pénal et des règlements administratifs intéressant directement les nourrices et les directeurs des bureaux de placement. Les bureaux des nourrices et tout ce qui les concernait étaient à Paris sous la responsabilité de l’Administration Générale des Hôpitaux. Mais le manque de surveillance permettait de passer outre toutes ces contraintes.

Ému devant la mortalité importante et constante des nourrissons, la loi Roussel du 13 décembre 1874 tenta donc de redresser la situation en imposant chaque mois, à la nourrice de campagne, la visite d’un médecin inspecteur et d’un membre de la commission locale instituée par le Préfet. Les observations de ces visiteurs devaient être consignées sur son carnet mais les nourrices refusèrent de se soumettre à ce contrat et l’administration ne fut pas en mesure de faire respecter la loi. Le choix de la nourrice va alors dépendre directement des conditions sociales des utilisateurs et concerner surtout les nourrices sur lieu.

Au milieu du 19e siècle, la mise en nourrice au loin va commencer à diminuer pour deux raisons :

  • pénurie de nourrices,
  • prise de conscience des parents faisant le rapport entre mortalité infantile et nourrice au loin. Ils préféreront prendre une nourrice chez eux, sous leur surveillance.

L’allaitement artificiel va aussi se développer, mais les résultats sont catastrophiques à cause de la précarité des conditions d’hygiène, il faut attendre la première décennie du 20ème siècle et la vulgarisation des découvertes de Pasteur pour que la mortalité infantile commence à diminuer sensiblement.
Le biberon devenant peu à peu un instrument d’allaitement sûr, l’enfant va enfin rester dans sa famille élevé par sa mère. C’est la fin de l’industrie nourricière.